Une Banque Publique d’Investissement…En voilà une de réponse novatrice à la crise ! J’admire et je continuerai à admirer les personnes qui s’arrogent une idée, partant d’un postulat simple : la méconnaissance historique contemporaine. Alors, petit tour dans l’histoire de France…
La création d’une banque publique d’investissement a été annoncée au Conseil des ministres du 22 Août avec un acte de naissance prévu pour l’automne, époque où les glands tombent des arbres.
Avancée présentée comme LA réforme du futur quinquennat. Alors faisons le point sur cet emprunt historique…beaucoup plus « normal » qu’innovant.
Une arlésienne inscrite dans l’histoire de France
Le programme commun de la gauche de 1972 prévoyait déjà la mise en place d’un organisme de crédit, nommé « Banque Publique d’Investissement », ayant comme objectif le financement du développement industriel, crucial à cette époque.
Pour être plus précis, cet organisme n’était qu’une entité regroupant diverses structures telles que le Crédit National mais surtout la fameuse et grande « Caisse des dépôts et consignations » (CDC).
Une promesse qui ne vécu que le temps d’une campagne, puisqu’elle ne fut pas reprise une fois François Mitterand élu en 1981.
La raison était double, une part importante du secteur bancaire fut nationalisée, et sa création n’était qu’une simple refonte, un effet d’annonce pour un opérateur déjà existant, la CDC.
Histoire de la neutre Caisse des dépôts et consignations
La Caisse des dépôts et consignations fut créée en 1816 par l’oublié Louis-Emanuel Corvetto, ministre des finances de Louis XVIII ! Rôle tout aussi ardu comme l’équipe gouvernementale en place avec un objectif commun : rétablir une certaine stabilité financière suite aux périodes que furent la Révolution et l’Empire.
Est-il besoin de rappeler que la dette publique constitue l’origine de la révolution et de la décapitation de Louis XVI… Il y avait donc péril en la demeure !
Coup de chance, le Directoire qui est passé par là, efface deux tiers de la dette de 1789…Mais cette dernière vous rattrape, c’est alors qu’en 1814, l’Europe victorieuse réclame l’indemnisation, le remboursement des années napoléoniennes. La nomination de Corvetto est vue comme un symbole d’apaisement.
Sa première volonté ? Assurer le financement à court terme de l’Etat en choisissant de placer sa dette.
Il trouvera les fonds nécessaire auprès de la Banque de France créée par Napoléon en 1800, mais cette dernière a mauvaise presse. C’est alors que la CDC voit le jour ! Elle basera son mode de financement sur les consignations et dépôts des notaires de France pour acheter de la dette publique.
Plus qu’une banque publique, une banque d’épargne mais pas que…
Cette nouvelle caisse va vite dépasser son objectif premier. Elle deviendra rapidement un outil de gestion de l’épargne nationale. L’action en faveur de l’épargne trouve donc son origine à cette époque et ne se dément aujourd’hui, elle deviendra même l’élément clé de la politique de l’époque.
L’idée sera formalisée par un certain banquier suisse (comme par magie) nommé Delessert. Il lui propose de collecter l’épargne non plus par le biais unique des notaires mais par la création des caisses d’épargne.
C’est la naissance du Livret A. Il s’agit de favoriser une participation globale à l’effort d’épargne national, la classe moyenne embryonnaire participe au développement.
Bénéficiant d’un équilibre des comptes dès 1822, le ministre des finances de l’époque, Joseph de Villèle, pousse le champ d’intervention de la Caisse.
Elle s’engage dans le financement de la rénovation.
Cela commencera par la refonte du Port de Dunkerque ; elle prendra par la suite des parts dans la compagnie des quatre canaux créée pour gérer la construction de canaux dans le centre et l’ouest du pays…
La caisse des dépôts devient officiellement le financeur à long terme de notre économie sous la coupe bienveillante de l’autorité législative, ce qui lui offre un statut hermétique aux batailles de l’exécutif.
Le baron Louis donnera la ligne d’horizon qui devrait inspirer nos actuelles politiques publiques :
En effet, les finances publiques ne pourront se redresser qu’après la définition d’une bonne politique économique, d’une vision de l’avenir et de ce que cela implique en termes d’innovation. Elle devra favoriser la croissance et reposer sur des choix rationnels et politiquement neutres.
La question posée est donc la suivante : Une banque publique est-elle un moyen de faire de la « bonne politique », celle qui permet in fine de faire de la « bonne finance » ? L’idée de banque publique a-t-elle encore un sens à l’heure d’un recul définitif de l’Etat face au marché, à une époque ou le modèle anglo-saxon a gagné la bataille du capital contre le vieux modèle rhénan ?